Ituri : L’émergence de la paix, entre lueur d’espoir et mythe de sysyphe, les acteurs locaux forgent l’aube à Djugu

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L’actualité en République Démocratique du Congo, et plus spécifiquement dans sa région orientale, est souvent un sombre récit d’escalade des violences, de déplacés par millions et de menaces existentielles. Pourtant, au milieu de ce tableau lugubre, des lueurs d’espoir persistent, brillamment incarnées par l’engagement des acteurs locaux qui refusent la fatalité.

L’épisode récent dans le secteur de Walendu Tatsi, dans le territoire de Djugu en Ituri, est un exemple criant de cette résilience. La mobilisation du chef de secteur Joël Mande et du député national Daniel Uyewa pour le retour de la paix n’est pas qu’un simple fait divers ; elle illustre une dynamique profonde, celle où la base s’approprie le processus de pacification.

L’écho de la rencontre à Masumbuko, où la population, les autorités locales et militaires ont échangé, a dépassé les frontières du secteur. La reddition volontaire d’une dizaine d’armes aux FARDC est un geste politique fort, symbolisant le rejet d’un cycle de violence qui asphyxie la région depuis 2017. Le courage de l’élu national, salué par Joël Mande, ne se limite pas à la diplomatie intercommunautaire, il s’étend au soutien social, à l’assistance matérielle et financière aux organisations locales, prouvant qu’un engagement pour la paix doit être total : militaire, politique, et socio-économique.

L’Ituri, comme son voisin le Nord-Kivu, est un creuset d’insécurité chronique, malgré la présence de l’état de siège et les opérations militaires. Le territoire de Djugu demeure l’épicentre des violations des droits humains, avec des milices aux revendications complexes et mouvantes, exacerbant les conflits intercommunautaires.

Cependant, c’est aussi dans cette province que se déploient des initiatives cruciales qui tentent de s’attaquer aux causes profondes du conflit. Le Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS) est sur le terrain, menant des opérations de désarmement et de réinsertion. On voit ainsi des ex-combattants impliqués dans de vastes projets de reboisement ou de réinsertion socio-économique, transformant la menace en force de reconstruction.

Le lancement de projets pilotes, comme celui du PNUD visant à renforcer la gouvernance minière et à intégrer les ex-combattants dans la chaîne de valeur aurifère, illustre la volonté de démanteler le lien toxique entre les groupes armés et l’exploitation illégale des ressources. Ces initiatives, financées par des partenaires internationaux comme la Banque mondiale (via le projet STEP2) et des ambassades, se traduisent par des projets concrets : construction d’écoles, de centres de santé, réhabilitation de routes de desserte agricole. Elles sont la preuve qu’en Ituri, la reconstruction suit, souvent de très près, la destruction.

L’appel vibrant du chef Joël Mande au colonel déserteur Lobho Pissi, dissident du mouvement rebelle CRP de Thomas Lubanga, est un moment clé. Il met en lumière la nature hybride et volatile des groupes armés, souvent dirigés par des individus issus des forces régulières ou des mouvements historiques.

En exhortant Lobho Pissi à “revenir à la raison”, le chef de secteur ne fait pas qu’une simple demande : il teste la faisabilité du dialogue et de la réintégration même pour ceux qui ont choisi la dissidence. Cet appel public est une stratégie de pression communautaire, rappelant à PISSI son rôle passé dans la sensibilisation à la réduction des ex-combattants. Le message est clair : l’insécurité n’est plus une fatalité, et la porte de sortie par la voie de la paix reste ouverte, même aux officiers “dissidents”. Lobho Pissi devient ainsi le symbole d’un choix crucial pour l’avenir de Djugu : persister dans le chaos ou embrasser la stabilisation.

Le retour de la paix, comme l’ont souligné les participants à Masumbuko, est une condition sine qua non au développement local. Sans sécurité, pas d’agriculture pérenne, pas d’accès aux services sociaux, pas d’investissements. L’insécurité persistante est un fardeau lourd, qui maintient les populations dans une précarité multidimensionnelle. Les efforts de pacification à Djugu, qu’ils soient impulsés par un député, un chef coutumier ou la communauté internationale, forment ensemble un socle pour un développement plus ambitieux.

Les défis restent colossaux : la crise humanitaire est l’une des plus graves au monde, et la résurgence des violences dans l’Est continue de faire l’objet de conférences internationales à Paris et de condamnations diplomatiques. Mais la bataille de l’Ituri, et de Djugu en particulier, se gagnera sur le terrain, par l’entremise de ces gestes concrets : une arme rendue, un projet communautaire lancé, un appel à la raison entendu.

L’engagement de Daniel Uyewa et Joël Mande est un rappel puissant que l’espoir n’est pas une abstraction, mais une action concrète menée par des hommes et des femmes déterminés à réécrire l’histoire de leur territoire.

Jonathan Basimaki


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