Ituri|Djugu : La misère au bord du Lac Albert, les camps de pêcheurs fantômes face à l’insécurité

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Le littoral du Lac Albert, autrefois une zone d’intense activité économique et de subsistance pour des milliers de familles, est aujourd’hui le théâtre d’une crise humanitaire silencieuse. Le Chef de la Chefferie de Bahema-Nord, Willy Pilo Mulindro, de retour d’une mission d’inspection sur le terrain, dresse un tableau alarmant : la plupart des camps de pêcheurs sont à l’arrêt, leurs habitants contraints à l’exil, souvent vers l’Ouganda voisin, dans l’attente d’une paix qui tarde à s’installer durablement.

Le Chef Pilo Mulindro décrit une situation chaotique sur l’étendue du littoral, s’étendant des environs de Mbongi 2 jusqu’à la limite avec Mahagi. Malgré la présence rassurante des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) dans la zone, le retour des déplacés est extrêmement timide.

« Les activités de pêche sont au point mort », rapporte l’autorité coutumière. Cette paralysie économique signifie l’absence totale de revenus pour les communautés qui dépendent exclusivement des ressources du lac. Les quelques habitants qui ont courageusement regagné leurs localités vivent dans une misère profonde. Les besoins sont criants et immédiats : vivres, soins de santé et abris de fortune constituent les priorités absolues. Des localités comme Torges, Muvaramu, Jôo, et Gbîi sont particulièrement touchées par cette détresse humanitaire

Le Chef Pilo Mulindro s’efforce d’encourager ses administrés à revenir, insistant sur l’engagement des FARDC à sécuriser la zone. Il a d’ailleurs tenu à remercier le Gouverneur militaire de la province pour l’accalmie relative observée sur le lac lui-même.

Cependant, cette accalmie sur le littoral contraste violemment avec la terreur qui continue de s’abattre sur les communautés agricoles des terres intérieures. L’autorité coutumière a dénoncé avec véhémence la poursuite des atrocités dans le groupement Buku par des présumés miliciens locaux affiliés à la Codeco.

Ces éléments armés ne se contentent pas d’opérer en toute impunité ; ils organisent des patrouilles régulières, de jour comme de nuit, ciblant les agriculteurs. La semaine dernière seulement, une dizaine de civils auraient été tués par ces miliciens. Les exactions vont jusqu’au pillage systématique des biens et l’incendie de nombreux domiciles, notamment dans la localité d’Ûtché, située à plus de 80 kilomètres au nord-est de Bunia.

La situation à Djugu présente donc un paradoxe cruel : une amélioration fragile sur le lac, source de nourriture, est éclipsée par une violence endémique et meurtrière dans les zones d’agriculture, empêchant toute reprise sereine de la vie communautaire. L’appel à une intervention humanitaire urgente pour les populations du littoral est d’autant plus pressant que l’insécurité menace de s’étendre aux zones de retour.

Jonathan Basimaki


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