
Au cœur de Kisangani, ville vibrante et poumon économique de la Tshopo, une artère vitale se meurt dans l’indifférence générale. La route qui borde le célèbre dépôt communément appelé “Makayabo”, épicentre du commerce de poissons salés et de haricots, est devenue le triste reflet d’un abandon qui paralyse le quotidien des commerçants et des habitants. Ce qui était autrefois un axe de circulation essentiel s’est transformé en un véritable champ de bataille où nids-de-poule géants et immondices ont pris le dessus, rendant tout passage impossible.
En approchant du dépôt “Makayabo”, l’air se charge d’une odeur âcre, mélange de poissons séchés et de détritus en décomposition. L’œil est immédiatement frappé par le spectacle désolant : devant les étals où s’affairent courageusement les commerçantes et commerçants, de véritables cratères se sont formés, des “grands nids” qui avalent les roues et brisent les essieux. Mais le pire n’est pas seulement l’état de la chaussée. Ces cavités béantes sont devenues des décharges improvisées, recevant sans distinction toutes sortes d’immondices. Cette pratique, malheureusement courante, aggrave exponentiellement la dégradation de la route, la transformant en un bourbier insalubre et impraticable.
“C’est un enfer pour nous”, se lamente une vendeuse de poissons salés, les mains jointes en signe de désespoir. “Nos clients ne peuvent plus venir en moto ou en véhicule. Ils doivent laisser leurs engins loin et venir à pied, en slalomant entre les ordures et les trous. Qui va vouloir faire ça pour acheter du poisson ?” La question est rhétorique, mais elle résonne avec l’amertume de ceux qui voient leurs affaires péricliter.

La situation n’est guère meilleure à l’arrière du dépôt. Là aussi, la route est dans un état de délabrement avancé. Les gros véhicules de transport de marchandises, qui stationnent fréquemment le long des avenues pour charger ou décharger, ont fini de ruiner ce qui restait. Le poids colossal de ces camions, combiné au manque d’entretien, a créé des sillons profonds et des déformations irréversibles, transformant la chaussée en une piste cahoteuse et impraticable. Cet axe secondaire, autrefois une alternative pour contourner l’engorgement, est désormais aussi impraticable.
Face à cette double dégradation, un constat amer s’impose : la route devant et derrière le dépôt “Makayabo” a été purement et simplement abandonnée. Plus aucun engin roulant ne peut s’y aventurer sans risquer d’y laisser des pièces, ou pire, d’y rester bloqué. Les commerçants, les habitants, les transporteurs, tous sont pris au piège de cette négligence collective et de ce manque d’infrastructures criant. La vitalité économique de ce coin est mise à rude épreuve, et le quotidien des boyomais qui dépendent de cet axe est devenu un parcours du combattant. Il est urgent que les autorités compétentes se penchent sur ce dossier, car l’abandon de la route de “Makayabo” est bien plus qu’un problème d’infrastructure ; c’est un symptôme de la détresse d’une partie de la ville.
Jerry Lombo
